[3 QUESTIONS A] Pascale Gustin (artiste mix medias)

 

Samedi 19 avril 2008, troisième jour du festival VJ collaboratif Vision’r, c’est l’effervescence à Mains d’Oeuvres (93). Au programme : mix lives, tables-rondes, ateliers, conférences performances, installations, salon pro… Dans ce flux de propositions et de circulations de personnes, quelle direction prendre ? L’installation TrajetXXX semble questionner ici même dans cette zone de flux à forte densité, la notion de personnes et d’informations dans nos sociétés. Je décide de me rendre à l’atelier 1, juste en face du CRAS, et rencontre Pascale Gustin, auteur du projet.

 

PiNG : D’où proviennent les sources images que tu utilises dans ton installation ?

PG : Il y a une partie avec le film d’Eiseinstein qui est une capture d’écran faite avec mon ordinateur, toute simple, et puis il y a les lettres qui contiennent le film à l’intérieur. Ces lettres sont fluctuantes suivant les fréquences sonores de ma voix quand je lis le texte. Le texte, même s’il n’est pas présent sauf par les lettres, rappelle le flux des personnes que l’on voit à l’écran. J’ai mis en concordance deux choses assez séparées dans le temps et dans l’espace mais qui abordent le même sujet : la gestion des flux humains dans les sociétés.

 

PiNG : On a pu t’entendre à différents moments de la journée lire tes textes, quel rapport entretiens-tu avec l’écriture ? Comment travailles-tu les allers-retours entre écriture et image ?

PG : En fait c’est assez complexe à gérer. Il y a l’écriture du patch que je rapprocherai de l’écriture du texte mais qui est quand même une autre forme d’écriture. C’est vraiment des temporalités différentes de travail. Je travaille soit l’un soit l’autre, j’ai du mal à faire les deux en même temps.

  • Quand tu as pensé le projet, as-tu travaillé l’écriture d’abord sans tenir compte des images ?

     

PG : Oui, j’ai commencé le projet par un texte, ça c’est la base. C’est l’écriture de ce texte – de ce que l’on voit dans les rues et de ce que l’on peut capter avec nos moyens humains sans utiliser de technologies autres que le stylo et le papier – j’ai commencé par là. Ensuite j’ai voulu développer ça dans différentes directions, je m’intéresse à la programmation, aux visuels, parce qu’à la base c’est très visuel donc le texte l’est aussi. Même les petits fragments que j’ai pu publier sont très visuels. Tout ça s’est enchaîné avec des allers-retours, c’est pour cela que je parlai de temporalités différentes, avec des allers-retours entre le son et ce qui est purement visuel, entre l’écriture du patch et l’écriture du texte suivant différentes articulations.

  • Quand tu parles de temporalités, pendant combien de temps as-tu mûri ce projet

PG : J’ai commencé par le texte fin 2004. Fin 2005, j’ai fait une première performance visuelle avec une bande son qui était pré-enregistrée et défilait derrière. Il n’y avait alors aucune interactivité entre le texte, les visuels et la bande son, c’était vraiment trois choses différentes. Il y avait l’écriture d’un programme en C donc c’était un peu rebutant enfin… pas rebutant visuellement mais c’était vraiment du langage C, du langage pur à travailler. Il y avait la partie son et la partie du texte que j’ai lu mais séparement. Fin 2005 j’ai découvert Pure Data et à partir de ce moment là, j’ai pu imaginer de nouvelles possibilités. Bon il y a toujours un moment de latence entre la découverte d’un logiciel et la mise en pratique réelle. Petit à petit j’ai réussi à faire en sorte que les choses s’enchaînent les unes les autres entre la partie visuelle, la lecture et la partie sonore qui forment un tout maintenant.

  • Concernant les visuels, comment les as-tu sélectionné sans tomber dans l’illustration vis à vis de l’écriture de laquelle tu es partie ?

     

PG : Je les ai choisi à partir du thème qui me préoccupait à un moment donné, un livre que j’ai lu – L’empire de la honte de Jean Ziegler – et ce mot, cette idée qui revient souvent de « violence structurelle » *. Pas seulement la violence physique qui existe réellement dans la vie hélas quotidienne des gens mais aussi cette violence structurelle qu’on ne perçoit pas toujours mais qui existe aussi c’est à dire violence économique etc. C’est à partir de là où j’ai choisi de travailler avec ce film La Grève et de me poser la question parce que je trouvais qu’il y avait un rapport entre ces flux humains qui traversent les villes et qui sont prisonniers de couloirs, de directions. C’est très visible dans les gares, dans le métro… ça circule dans un sens, dans l’autre. Je me voulais me poser une question par rapport à cela et la manière de me la poser s’est faite par l’intermédiaire du visuel, du choix de ce film.

 

 

PiNG : Comment ce projet s’inscrit dans ta démarche artistique, dans ton parcours ?

PG : J’ai toujours fait des choses assez différentes. Aux beaux arts j’ai travaillé aussi bien l’installation, le son, l’écriture. J’ai travaillé sur des installations sonores avec du texte donc ça s’est inscrit naturellement dans ce processus. Je crois que je suis assez dirait-on mono-maniaque c’est à dire que quand je fais un truc je le fais et c’est tout ! Je suis assez exclusive. Je travaille vraiment un thème, et cette écriture que je déploie dans de nombreuses directions, à la fois visuelles et sonores, voir ce que je peux faire avec ce texte.

  • De nouvelles directions pour TrajetsXXX ?

     

PG : Pour le moment j’ai en projet de le présenter dans un festival d’art numérique à Amsterdam fin mai. C’est un festival open source, sur les logiciels libres, j’y ferai également un atelier.

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* Jean Zigler, rapporteur auprès de l’ONU a publié en 2005 aux Editions Fayard L’empire de la honte. Lire l’interview : http://www.jp-petit.com/Presse/empire_de_la_honte.htm

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Pour aller plus loin :

 

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