Démocratie technique

 

 

Association d’éducation populaire qui questionne l’impact du numérique sur nos sociétés, PiNG est traversée par les enjeux de la réappropriation et de la démocratisation des choix technologiques depuis ses débuts. Alors que vivre l’anthropocène implique le droit d’inventaire de nos attachements à la technosphère, l’approfondissement de la démocratie technique se fait toujours plus nécessaire.

POLITISER LES CHOIX TECHNIQUES

UN ENJEU DÉMOCRATIQUE

De l’invention de la roue aux voitures autonomes, l’histoire des technologies n’est pas séparable de sa contre-histoire. C’est notamment ce que montre l’historien François Jarrige dans son ouvrage Technocritiques : l’accélération du développement technologique depuis l’époque moderne et la « révolution industrielle » coïncide avec la multiplication des refus des machines et la contestation des technosciences1.

Face à l’idéologie d’un « progrès technique » neutre et linéaire, on peut dire que l’histoire des technologies est une dynamique polémique où l’introduction de nouveaux outils, de nouvelles manières de faire, de produire et de vivre ne se fait pas sans aller-retours, sans poser de questionnements et donc sans nécessiter des prises de décisions. Et c’est précisément en cela qu’il s’agit de se donner les moyens de prendre du recul sur cette idée d’un cheminement technique inéluctable et faire de son développement un véritable enjeu démocratique.

Pour PiNG, suivant le philosophe Cornelius Castoriadis, la démocratie est une pratique d’auto-institution, soit la possibilité, pour un certain nombre d’acteur·ices, de se donner les termes d’un agir commun, au travers de règles établies par les acteur·ices elles·eux-mêmes : « la démocratie réside en ceci que la société ne s’arrête pas à une conception de ce qu’est le juste, l’égal ou le libre, donnée une fois pour toutes, mais s’institue de telle sorte que [c]es questions puissent toujours être re-posées dans le cadre du fonctionnement normal de la société. »2

Dans la situation contemporaine, la réalisation ou l’approfondissement d’une démocratie technique nous semble relever d’une importance particulière pour au moins deux raisons :

D’abord, le désastre écologique en cours pose la question de nos attachements à la technosphère3. C’est le constat dressé par Alexandre Monnin, Emmanuel Bonnet et Diego Landivar dans leur ouvrage Héritage et fermeture, pour une écologie du démantèlement. Dans ce livre, ils plaident pour la mise en place d’enquêtes collectives qui permettraient de faire droit à l’inventaire de nos liens et de nos dépendances au système technicien : « Le problème écologique est en effet avant tout un problème de charges, de ligatures à la technosphère »4. Il s’agit de pouvoir identifier ce qui est nécessaire à notre subsistance, mais aussi d’apprendre collectivement à hériter et à renoncer à ce qui dans notre environnement technique n’est pas écologiquement soutenable.

Aussi, le fait que la situation écologique soit posée, tour à tour, sous le signe de la crise, de l’urgence, voire de l’état d’exception, peut laisser craindre à ce que sa prise en charge politique ne finisse par se faire de manière illibérale, voire autoritaire.5 Désirs d’hommes forts ou de gouvernements des experts sont aux antipodes des valeurs de PiNG, entre émancipation et culture des communs6.

Pour nous, l’horizon d’une société qui aurait pris en charge démocratiquement le caractère politique du développement technique peut être la société conviviale telle qu’esquissée par Ivan Illich dans La Convivialité dès 1973 : « J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. »7

Pour œuvrer en ce sens, PiNG s’inscrit dans une démarche de recherche collective, les laboratoires communs, avec par exemple des groupes d’enquêtes collectives pour faire participer des personnes d’horizons divers, ouvrir le débat sur les technologies et accompagner le développement d’une pensée critique et éclairée. Cela passe aussi par la pratique, comme au cours d’un atelier de réparation d’électroménager, par des échanges de points de vue sur l’obsolescence programmée !

1. François Jarrige, Technocritiques, Du refus des machines à la contestation des technosciences, La Découverte, 2014
2. Cornelius Castoriadis, « Imaginaire politique grec et moderne », in Les Grecs, les Romains et nous. L’Antiquité est-elle moderne ?, Le Monde Éditions, 1991
3. Alexandre Monnin, Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, Héritage et fermeture, une écologie du démantèlement, Éditions Divergences, 2021
4. Technosphère : La technosphère est un concept, créé par Vladimir Vernadsky, qui désigne la partie physique de l’environnement affecté par les modifications d’origine anthropique, c’est-à-dire d’origine humaine.Wikipedia
5. Antoine Dubiau, Écofascismes, Grevis, 2022
6. En 2022, à l’occasion du baromètre de la confiance politique réalisé par le CEVIPOF, 52% des personnes interrogées affirment avoir une bonne opinion pour que « des experts et non un gouvernement qui décident ce qui leur semble le meilleur pour le pays » et 39% ont une bonne opinion de la proposition politique suivante : « Avoir à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections »
7. Ivan Illich, La convivialité, Seuil, 1973

DÉMOCRATIE TECHNIQUE

LES RENDEZ-VOUS

En 2023, PiNG lance le programme « École 404 », un rendez-vous mensuel pour développer collectivement notre autonomie dans nos relations aux technologies. C’est chaque mois, la possibilité de se retrouver pour un atelier pratique ou réflexif, pour reprendre les savoirs sur le numérique et les machines.

Cet automne, notre thème sera « de l’ordre électrique aux communs énergétiques », l’occasion de réfléchir ensemble sur nos besoins et nos usages de l’énergie, et d’explorer pratiquement des façons de la produire.

MODALITÉS

Les prochains rendez-vous se tiendront à Hyperlien à Nantes, les jeudis 28 septembre, 26 octobre et 30 novembre 2022, et 21 décembre de 18h30 à 21h

une personne prend des notes sur un ouvrage, détail d'un main tenant un crayon

RENDEZ-VOUS PASSÉS

De septembre à décembre 2022, dans le cadre du cycle « Fin du travail, vie magique ? », PiNG s’est posé la question de la permanence du travail face au développement technique et à l’automatisation. L’exploration de ce sujet a pris la forme d’une série de 3 arpentages, des lectures collectives d’ouvrages aux carrefours de l’histoire, l’économie et la sociologie :

Ces trois rencontres ont été accueillies par le café et centre social La Dérive, dans le quartier de Dalby à Nantes.

Poursuivant la réflexion autour de la démarche labo commun mise en place au sein des différentes activités de PiNG, l’association s’interroge sur le périmètre de la recherche, s’affirmant notamment comme faisant partie du tiers-secteur de la rechercheNous observons que ces questionnements n’épargnent pas l’Académie. C’est ce que traduit notamment la publication d’un numéro de la revue Multitudes consacré au sujet du “Dehors de la recherche”, mais aussi la multiplication de collectifs de recherche indépendants et de lieux autonomes d’étude et de transmission des savoirs aux marges des institutions.

En partenariat avec Klask! Docteur⋅e⋅s et innovation sociale, nous avons organisés trois rencontres pour explorer ce sujet collectivement :

  • 26/04/22 Arpentage du numéro 85 de la revue Multitudes Le dehors de la recherche
  • 24/05/22 Rencontre avec Léna Dormeau et Jacopo Rasmi, qui ont orchestré le dossier Le dehors de la recherche pour Multitudes
  • 28/06/22 Arpentage de Comment s’organiser ? Manuel pour l’action collective de Starhawk

En 2021 et 2022, par l’invitation dans son Espace ressources d’auteur⋅ices et de collectifs d’édition qui s’emparent des questions technologiques et les démocratisent, PiNG a souhaité permettre à sa communauté d’adhérent⋅es et aux citoyen⋅nes nantais⋅es d’aller à la rencontre de celles et ceux qui font vivre les histoires et les pensées critiques des technologies et aiguisent les regards sur notre modernité :

  • 28/09/2021 Présentation du livre Héritage et Fermeture, une écologie du démantèlement, par Alexandre Monnin l’un de ses co-auteurs
  • 16/11/2021 Présentation du livre Techno-police, défaire le rêve sécuritaire de la safe city, par l’auteure Claire Richard et Clémence Seurat éditrice aux Éditions 369
  • 21/12/2021 Arpentage (lecture collective) du livre de Claire Richard, Techno-police, défaire le rêve sécuritaire de la safe city
  • 15/03/22 Atelier de réparation et rencontre avec les auteurs Gil Bartholeyns et Manuel Charpy pour la présentation du livre L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent

Ce projet s’est décliné par des rendez-vous d’enquête collective, autour du sujet choisi par les participant⋅es : l’impact des technologies sur l’histoire du sommeil. Ces évènements se sont tenus en visioconférence en raison de la situation sanitaire :

– 14/01/21 Premiers échanges autour de la définition des sujets et proposition d’une liste
– 11/02/21 Sélection du sujet de travail « Lumières sur le sommeil »
– 11/03/21 Arpentage (lecture collective) du livre de Jonathan Crary « 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil »
– 08/04/21 Lectures et échanges de ressources sur le thème de l’enquête
– 10/06/21 Représentation graphique et partage des résultats

L’enquête collective est un rendez-vous mensuel pour échanger, se poser des questions, faire avancer nos connaissances et nos regards sur un sujet. En 2020, comme premier thème de travail, PiNG a proposé « Pour une contre-histoire des technologies ». Malgré le second confinement qui a mis en pause les rendez-vous d’enquête collective pour la fin de l’année 2020, séances ont pu se tenir en septembre et octobre :

En septembre Guillaume Mézières, journaliste scientifique, est revenu sur l’histoire des controverses scientifiques et techniques et a partagé avec nous les bases d’une pratique d’enquête à partir d’exemples liés aux technologies numériques.
Lors du rendez-vous d’octobre, nous avons réalisé un arpentage (une lecture collective) de l’ouvrage Histoire politique de la roue de Raphaël Meltz.

CONTRIBUTIONS ET ACTIONS

POUR DES SAVOIRS ENGAGÉS ET RELIÉS

Aux côtés de nombreuses structures* PiNG participe au Mouvement pour des Savoirs Engagés et Reliés, créé dans l’élan des États généraux des sciences et techniques engagées. C’est un collectif national d’associations engagées dans la coopération entre recherches et mouvements sociaux pour la transition écologique et solidaire. Son action se traduit par des contributions au débat public et par des rencontres, comme les Journées d’Été des Savoirs engagés et Reliés, à Lyon les 27-28-29 août 2022.

*Atécopol, Coexiscience, Écopolien, la Fabrique des Questions Simples, Ingénieur.e.s Sans Frontières,
Ingénieur.e.s Engagé.e.s Lyon, Klask, La Myne, PiNG, RogueESR, Sciences Citoyennes

COORDONNÉ PAR

Meven Marchand Guidevay
 Meven est chargé de projets à PiNG où il anime le centre de ressources de l’association et mène diverses activités autour de la recherche et de la documentation. Épris de philosophie et curieux des implications sociales et politiques des nouvelles technologies, il a effectué plusieurs travaux de recherche autour des plateformes et de la gouvernementalité sur internet.

ALLER PLUS LOIN

RESSOURCES

Depuis 2004, nous avons réalisé de nombreux projets traversés par la question de la démocratie technique et veillé à laisser des traces écrites, sonores ou vidéo de nos productions.

Retrouvez ces ressources sur :

RÉAPPROPRIATION POPULAIRE DES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE LA DÉMOCRATIE

Pour le Labo des tiers-lieux porté par l’ANCT, Arnaud Bonnet a interviewé PiNG sur notre Laboratoire citoyen des cultures numériques qui invite chacun à se forger collectivement et par le faire une pensée critique sur le développement des technologies, leurs rôles et leurs impacts sur la société.

LE CANAL DE DISCUSSION « VEILLES ET CURIOSITÉ »

Venez discuter en ligne avec la communauté sur notre espace de chat ! Sur le Mattermost de PiNG, vous pouvez rejoindre des discussions thématiques pour poursuivre les échanges hors de nos lieux. Un canal « Veilles et curiosités » y est notamment accessible et regroupe de nombreux articles de fonds qui questionnent nos rapports aux technologies. Pour apprendre à utiliser cet outil, n’hésitez pas à consulter le tutoriel concernant Mattermost sur notre wiki.

AUTRES MODALITÉS

Vous pouvez pratiquer et explorer au sein du fablab en participant aux OPENAteliers ou aux autres explorations en cours Humanlab, Precious Plastic et Papier/machine.

Enfin, si vous êtes une structure souhaitant développer un partenariat autour du thème de la démocratie technique ou imaginer un workshop avec nous, n’hésitez pas à contacter meven@pingbase.net

Catégories
Archives
Aller au contenu principal