Tentative de décryptage de l'ACTA

Depuis quelques temps, on entend parler de l’ACTA et de personnes qui expriment leur désaccord à son encontre : manifestations dans toute l’Europe, manifestations en ligne via les réseaux d’activistes, désengagements de certains pays etc.

 
Que cache cet acronyme?
ACTA signifie Anti-Counterfeiting Trade Agreement (accord commercial anti-contrefaçon).

C’est un accord plurilatéral, négocié entre plusieurs pays¹ pour défendre les intérêts des industries culturelles et du divertissement, et plus généralement, des industries dont l’économie repose en partie sur la propriété intellectuelle (pharmaceutique, agricole, scientifique…).
L’ACTA compte mettre en place des dispositions sévères pour contrôler et réguler toutes tentatives de contrefaçon et de piratage, notamment par la mise en place d’un filtrage massif des activités sur le net.
C’est ce dispositif de surveillance et de filtrage de l’internet sous-tendu par l’ACTA qui constitue une des raisons de la contestation actuelle.
Par ailleurs, il faut signaler que ce traité a été négocié à l’insu de la société civile, ce qui participe également à la grogne. Il est vrai que nous sommes en droit de nous demander si un accord d’une telle envergure doit être débattu avec le peuple et ses représentants, ou acté par les États et les lobbyistes dans une relative obscurité.
 
Pourquoi devrions-nous nous intéresser de plus près à l’ACTA ?
La population a finalement pu accéder au contenu du traité après que Wikileaks ait fait fuiter une version consolidée du texte en juillet 2010. À l’intérieur, on y découvre, d’après la Quadrature du net, que toute utilisation ou partage de contenus culturels sans rétribution des ayants droits, même de façon désintéressée, est considérée comme du piratage et de la contrefaçon.

L’ACTA représenterait dès lors une menace pour une grande partie des pratiques liées à internet comme les plate-formes de blogs, les réseaux P2P, le logiciel libre… Mais aussi dans d’autres domaines qu’internet comme la vente et la distribution de médicaments génériques, l’utilisation non contrôlée de graines brevetées, etc.
Comme il paraît difficile de contrôler les pratiques des internautes sans passer par les FAI², l’ACTA propose que ce soit ces acteurs qui surveillent les activités de leurs abonnés. Une sorte de police privée et automatisée, non mandatée par la justice, pouvant sanctionner financièrement ses clients utilisateurs ou pire les dénoncer pour leurs usages non conformes à celles décrétées par l’ACTA.
En somme, l’ACTA, pour le bien des industries, principalement culturelles dans le cas de l’internet souhaite pouvoir contrôler l’intégralité des activités des utilisateurs afin d’interdire tout échange en dehors des circuits des industries pré-citées.
Il en résulte un internet verrouillé, d’où le P2P est banni et où chacun des utilisateurs peut encourir des peines lourdes pour toute activité jugée illégale par les FAI.

Concrètement, imaginons une vidéo d’une soirée entre amis diffusée sur Youtube, dans laquelle on entendrait la musique d’un artiste protégée par des droits d‘auteur. Elle serait censurée par le FAI de l’utilisateur pour contenu illégal, ce qui pourrait également amener l’auteur de la vidéo à écoper de diverses sanctions.
De la même façon, des malades atteints du SIDA et vivant dans un pays pauvre qui ne peut pas fournir l’accès à la trithérapie de façon légale aux yeux de l’ACTA, notamment pour des questions financières – « (…) les versions génériques préqualifiées des antirétroviraux de seconde ligne pour le traitement du VIH/sida coûtent annuellement quelque 140 $ contre 30 000 $ par an pour leur version brevetée ». – auraient beaucoup plus de difficultés pour accéder à sa version générique.
C’est donc une situation qui va au-delà des problèmes de vie privée et de liberté d’expression.

Les ERN et l’ACTA
On peut s’interroger sur l’impact que peut avoir un tel traité sur les activités d’un Espace régional Numérique : filtrage des accès et outils web, distribution de sanctions relatives aux pratiques des utilisateurs du centre…
De fait, quelles sont les manœuvres possibles ?
Dans un premier temps, on peut s’informer sur ce qu’est l’ACTA, ses origines, ses buts et ses conséquences sur le site ressource de La Quadrature Du Net ou Numerama.
Dans la suite des événements, nous pouvons agir en appelant un député européen pour lui signifier nos inquiétudes relatives à cet accord. En effet, alors que l’ACTA a été ratifié par le Canada, l’Australie, le Japon, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, La Corée du Sud, les USA et Singapour, le Parlement Européen devrait se prononcer au plus tôt mi-2012 sur son consentement ou son désaccord. Il est encore temps de partager nos interrogations avec les décideurs.

Communiquer sur l’ACTA et ses conséquences est déjà une première façon d’agir : cette information n’étant pas assez médiatisée, diffusons-la !

1. l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Émirats Arabes Unis, les États-Unis, le Japon, la Jordanie, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et l’Union Européenne.
2. Fournisseur d’Accès Internet
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