Une seconde vie pour les ordis

Un article proposé par Stéphanie Dupin, coordinatrice de l’association Snalis.

470 000 tonnes de Déchets d’Équipements Électroniques et Électroménagers collectés, dont 70 500 tonnes d’informatiques et téléphonie. 200000 tonnes d’équipement informatiques et téléphoniques mis sur le marché1. C’est la situation en France en 2011, identique à celle de tous les pays européens et de la plupart des pays classés parmi les plus riches de la planète.
En pleine crise structurelle et à l’heure où l’on a de cesse de parler de la réduction des déchets, plusieurs alternatives ont vu le jour pour lutter contre l’obsolescence programmée du matériel informatique.
 
L’économie du ré-emploi
Donner une seconde vie à ses objets, dans l’esprit « Do It Yourself », trouve de plus en plus d’intérêt. Alors que les imprimantes 3D s’apprêtent à révolutionner les sociétés sans devoir s’imposer la contrainte de la production de masse, le problème persiste cependant sur l’accès aux technologies de l’information et de la communication. Le fossé se creuse pour les personnes en situation de précarité qui ne peuvent avoir accès à l’informatique. Et pourtant, le moindre service public est aujourd’hui dématérialisé ! Le reconditionnement informatique, sur la base de matériaux récupérés avant qu’ils ne partent dans le traitement en déchetterie, permet de réduire cette fracture numérique et démocratise ainsi l’accès à la société de la connaissance.
Par ailleurs, l’économie du ré-emploi, par la valorisation de machines destinées à disparaître, crée plus d’emplois que la simple mise en décharge. Le développement de la réparation s’inscrit inévitablement dans une démarche citoyenne et écologique car il n’est pas économiquement viable de transporter du matériel à réparer ou à reconditionner sur des milliers de kilomètres. Le problème principal de la fracture numérique – et c’est un constat largement partagé par les associations locales comme Snalis, Alis44, Nâga ou Calis – est moins une fracture sur l’acquisition du matériel que sur les usages. Une personne qui ne possède pas d’ordinateur se trouvera obligatoirement exclue des possibilités d’intégration économiques, sociales et professionnelles.
 
Le reconditionnement, pourquoi ?
D’un côté, des millions de personnes n’ont pas encore accès à un ordinateur et de l’autre des millions d’ordinateurs sont jetés chaque année alors qu’ils sont encore en état de marche ! C’est un véritable gaspillage économique alors que le reconditionnement informatique pourrait mettre les machines à la disposition de ceux qui en ont besoin.
Qu’est ce que c’est que le reconditionnement ? Reconditionner c’est remettre l’ordinateur dans l’état de fonctionnement dans lequel il était avant d’avoir été utilisé : nettoyage, remplacement des pièces usées ou défectueuses, effacement des données et réinstallation du système d’exploitation et des logiciels nécessaires à son fonctionnement. Un ordinateur reconditionné possède des performances équivalentes à un ordinateur neuf !
A l’heure où l’on parle de crise économique, le reconditionnement informatique pourrait peut-être bien être la clé de sortie pour les collectivités par exemple. Si un reconditionnement informatique peut coûter entre 50 et 100 €2, les communes, toujours à la recherches d’économies, pourraient très bien équiper des salles multimédia ou des EPN (Espaces Publics Numériques) avec du matériel issu du ré-emploi. L’association SNALIS possède l’agrément « Entreprise solidaire », il permet de reconnaître que la finalité sociale de notre structure prime sur la nature commerciale, à un moment où on encourage de plus en plus les associations à trouver de l’auto-financement. Le gouvernement français encourage le reconditionnement via le programme Ordi 2.0 dont fait partie notre association. Ce programme vise à améliorer l’équipement des foyers défavorisés en récupérant le matériel informatique des entreprises. Cette démarche vise à « poursuivre des objectifs de développement durable et d’économie sociale et solidaire », en réduisant la fracture numérique et en favorisant la création d’emplois.
 
Des systèmes libres pour limiter le gaspillage et prolonger les durées de vie des ordinateurs
Comment lutter contre l’obsolescence programmée et éviter l’épuisement des ressources naturelles ? Prendre conscience de l’impact écologique de nos modes de consommation est une urgence ! Et pourtant, aucun matériel informatique n’affiche aujourd’hui sa durée de vie théorique ; un sujet que les fabricants se gardent bien de développer puisque leur intérêt se situe plus dans l’aliénation et l’exploitation du consommateur.
Plusieurs types de reconditionnement existent pour chaque ordinateur. Les systèmes d’exploitations libres basés sous GNU/LINUX sont un bon compromis entre la prise de conscience des enjeux environnementaux et la promotion des modèles d’organisation ouverts, horizontaux et réutilisables. Premièrement, les systèmes d’exploitation Linux sont plus léger et permettent donc de s’installer sur des machines ne nécessitant pas trop de Ram. A l’inverse de Microsoft ou Apple, avec Linux pas besoin d’acheter une licence ou de télécharger illégalement le système d’exploitation. Par ailleurs, une multitude de distributions – Xub pour Snalis, Xubuntu, OpenSuse, Fedora, Ubuntu, Mageia… – sont disponibles pour s’adapter aux attentes selon l’utilisation que vous avez de votre ordinateur. Les logiciels utilisés par Linux sont des logiciels open source et gratuits. Plus besoin d’acheter des versions payantes qui deviendront obsolètes l’année suivante ! L’établissement Julien Lambot, projet pilote qui vient d’obtenir le label éco-collège, a installé avec la participation de l’association SNALIS, une salle multimédia sous système d’exploitation Linux avec des machines reconditionnées par l’association !
Finalement, cette démarche citoyenne s’inscrit dans le courant de l’éducation populaire au sens propre du terme.
Et ce n’est pas un hasard si de plus en plus de centres d’animations jeunesses se dotent de logiciels libres pour monter des projets avec les jeunes qu’ils accueillent quand aujourd’hui 99 % des jeunes de 12 à 17 ans sont des internautes3.
1– Source : Ademe
2– Source www.novethic.fr
3– Source « Pratiques numériques mediatiques des jeunes : enjeux et perspectives » Michel Guillou http://www.netpublic.fr
Stéphanie Dupin
Coordinatrice association SNALIS
(Saint-Nazaire Association Libre Informatique et Solidaire)

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